>> Les Archives de la terre du Milieu > Le Seigneur des anneaux: les clefs de l'oeuvre
I -- Le Pouvoir de l'ANNEAU
La première clef du SDA est ce que Tolkien considère comme
"le plus grand des péchés" : la volonté de dominer les
autres. Il l'a matérialisée sous la forme de l' "Anneau
unique" que Sauron a naguère forgé en secret pour
contrôler ceux qui furent remis aux chefs des peuples de
la Terre du milieu : " Trois anneaux pour les rois elfes,
sept pour les seigneurs nains, neuf pour les Hommes
mortels…et un Anneau pour les gouverner tous et dans
les ténèbres les lier. "
La puissance de l'Anneau est à la mesure de la "statue" de
son porteur, ce qui explique qu'un simple Hobbit comme Frodo
ne soit pas affecté immédiatement. En revanche, le pouvoir de
l'Anneau serait considérable entre les mains de Sauron, car
il serait de taille à asservir en peu de temps toute la Terre
du Milieu. Sauron s'en est d'ailleurs déjà servi pour
soumettre les anciens rois des hommes qui sont transformés
en " Spectres de l'Anneau ", les Nazgûl ; sous l'apparence
de cavaliers noirs, ils arpentent désormais le monde pour
exécuter les ombres desseins de leur maître.
II -- Entre le BIEN et le MAL
Deuxième clé de l'œuvre de Tolkien : il a bâti un monde tout
en nuances, où rien n'est tranché, et surtout pas le
comportement de ses personnages. En d'autres termes, ils ne
sont pas classés en bons et mauvais. " Nul n'est mauvais au
départ ", énonce le Sage Gandalf. Même Sauron, l'incarnation
du Mal par excellence. " Sauron n'était évidemment pas
mauvais à l'origine, explique Tolkien. Il était un "esprit"
qui fut corrompu par le seigneur des Ombres, Morgoth ", son
maitre dans un lointain passé. Il eut même l'occasion de se
repentir, mais refusa de demander le pardon. C'est ce choix
qui l'a fait définitivement basculé du côté du Mal.
De même, nul n'est parfait sur la Terre du Milieu. "Je n'ai
pas décrit les peuples qui se trouvent du " bon côté ", que
ce soit les Hobbits, les cavaliers de Rohan, les hommes de
Dale ou de Gondor, comme meilleurs que le commun des mortels",
précise Tolkien. On découvre ainsi "indolence et stupidité
chez les Hobbits, orgueil chez les Elfes, rancune et cupidité
chez les Nains, folie et iniquité chez les chefs des Hommes,
et même traîtrise et désir du pouvoir chez les Sages".
III -- La Force du "LIBRE ARBITRE"
Pour Tolkien, pas question que les acteurs de son roman
restent figés dans leur façon d'être ou leurs convictions.
Plus intéressante est la façon dont ils sont tiraillés entre
la Lumière et les Ténèbres. Au point que, de son propre aveu,
l'auteur n'a jamais suivi de plan quand il rédigeait le
Seigneur des anneaux : il s'est simplement laissé guidé par
les dilemmes posés à ses personnages, les choix qu'il leur
semblait devoir faire et les actes qui en découlaient. Il
a donc trouvé un "moteur" pour animer tout ce petit monde :
le "libre arbitre".
Littéralement, c'est la capacité d'opérer des choix par sa
seule volonté. Autrement dit, sans que quiconque puisse vous
imposer telle ou telle décision. Il suffit alors de se
souvenir que le pouvoir de l'Anneau est justement de
contrôler autrui, et vous obtenez la troisième clé majeure du
roman : quasiment chaque intrigue va opposer le libre arbitre
des personnages à la tentation du pouvoir, autrement dit à
celle du Mal.
Une scène cruciale de premier tome illustre ce ressort du
roman. Juste après que Boromir ait tenté d'arracher L'Anneau
à Frodo, ce dernier invisible réussit à s'échapper. Parvenu
au sommet d'une colline, voici notre Hobbit sous l'emprise
d'une double influence : d'une part celle de l'œil corrupteur
de Sauron, qui veut à tout prix que Frodo cède au pouvoir de
L'Anneau, d'autre part celle d'une voix - d'origine alors
inconnue - qui veut convaincre Frodon de le retirer. Des deux
côtés, la pression est extrême, amis "soudain, écrit Tolkien,
il fut à nouveau lui-même, Frodo, ni la voix, ni l'œil, libre
de choisir, et devant le faire sur le champ". On apprendra
plus tard que la fameuse voix était en fait celle de Gandalf,
intervenant d'outre-tombe. Et l'on comprend dès lors que son
but n'était pas tant de "convaincre" Frodo de retirer
l'Anneau, mais bien de contenir l'influence de Sauron afin
que le Hobbit puisse recouvrer son indispensable libre arbitre.
IV -- La FIN ne justifie pas les "MOYENS"
L'Anneau a un rôle crucial : il permet de soumettre les
personnages à la tentation du pouvoir. C'est pourquoi tous
ceux qui luttent contre Sauron se le voient proposer à un
moment ou à un autre. Pour Tolkien, ils sont certes a priori
du "bon" côté, mais seule l'épreuve de l'Anneau peut le
certifier.
D'accord, le simple attrait du pouvoir peut faire basculer
dans les ténèbres. Y a-t-il d'autres tentations ? Tolkien en
découvre une, ainsi formulée : la fin ne justifie pas les
moyens ? Par exemple, faut-il considérer que Boromir devient
mauvais parce qu'il tente d'arracher l'Anneau à Frodo ? Car
dans l'esprit du guerrier, c'est pour la bonne cause,
puisqu'il veut l'utiliser pour combattre Sauron. La réponse
de Tokien est clairement négative : non, la fin ne peut
justifier les moyens car des moyens mauvais finissent par
vous corrompre.
L'exemple de Saroumane est édifiant. Longtemps considéré
comme le plus sage d'entre les Sages, il fut même à la tete
de l'Ordre auquel appartient Gandalf. Mais sa soif insatiable
de pouvoir - qu'il voulait initialement tourner contre Sauron
- a fini par le transformer en son plus puissant allié...
--> La Nature primordiale pour Tolkien
Une bonne part du SDA est un hymne à la cohabitation
harmonieuse entre les êtres vivants. Certes, l'univers de
Tolkien est un monde fantastique où l'on ne s'étonne pas de
trouver des aigles ou des arbres qui papotent. Mais Tolkien
ne se lasse pas de décrire l'affinité qu'entretiennent les
différents peuples libres avec la nature. Certains Elfes
habitaient ainsi carrément au cœur des arbres, les Nains
transforment cavernes et métaux précieux en œuvres d'art,
les Hobbits vivent sous des collines et hissent au rang
suprême la culture du potager. Quand aux Humains, le symbole
de leur nation est un arbre des temps anciens, incarnation de
la paix et de la prospérité.
Inversement, tout outrage à Dame Nature est décrit par
Tolkien comme une manifestation du Mal. Ainsi, pour alimenter
ses usines à "fabriquer" des monstres, Saroumane, sacrifie
l'antique forêt de Fangorn qui entoure son domaine. Sous la
coupe de Sauron, Mordor est devenu un véritable désert et la
grande Forêt Noire du Nord s'est complètement flétrie depuis
son invasion par maintes créatures monstrueuses. Et que dire
du sort réservé à la Comté, l' "espace protégé" des Hobbits,
quand les quatre (petits) Compagnons de l'Anneau retournent
au pays. Ils le découvrent complètement ravagé : arbres
déracinés, "trous-collines" abandonnés, champ et potagers
laissés sans soins, et partout des " usines " où doivent
trimer les Hobbits, quasiment réduits en esclavage. En fait,
c'est pour Tolkien l'image parfaite de ce qui attend les
hommes s'ils ne prennent garde au monde qui leur est légué...
© Science & Vie Junior n°171